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    Stèle mandarine, huile sur isorel, 146*54 cm

    « Claude-Henry, fais-moi un tableau ! »

    Claude-Henry Pollet poursuit la simplification de sa peinture jusqu’à resserrer sa palette autour d’une ou deux couleurs. Il produit des tableaux composés de traits colorés déclinés en centaines de nuances. La composition s’organise autour d’une ligne imaginaire qui barre le tableau au tiers inférieur. « Sans cette ligne, ce serait du papier peint, lâche-t-il, pour tout commentaire. »

    Cette série de monochromes rencontre un important succès. Quatre exemplaires de cette série sont aujourd’hui accessibles au public, accrochés au Centre Nelson Mandela à La Seyne-sur-Mer. Ces tableaux très travaillés, malgré une palette chromatique étroite et une composition épurée limitée à une simple ligne, sont de la même inspiration que la sculpture de la place Saint-Jean. Celle-ci aligne huit formes identiques dont l’une, décalée, imprime son rythme à l’ensemble.

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    Monochrome jaune, huile sur isorel
  • En parallèle, le coloriste lance le projet des « Stèles mandarines », un ambitieux assemblage de 32 grands panneaux couverts de logogrammes inspirés de l’écriture chinoise. Il renoue là avec sa passion pour la calligraphie, les arts orientaux et les projets monumentaux. Il se donne également l’occasion de travailler d’autres formats de tableaux (146*54 cm) et d’étudier sa gamme de vert. Il présente quelques stèles, avec d’autres créations, à la galerie Rancilio, à Saint-Mandrier (Var) en janvier et février 2011.

    Le vernissage tombe en janvier, il fait froid, même dans le Var. Il se fait photographier devant ses tableaux, enveloppé dans un gros pull, un bonnet vissé sur la tête. Une équipe de France 3 se rend chez lui et remarque ses monochromes, « un comble pour un coloriste », précise le journaliste.

    Au printemps, il expose encore quelques « Stèles » à la Maison du Cygne, à Six Fours, en compagnie du sculpteur et céramiste Dominique Allain. Ce sont ses dernières expositions. Claude-Henry ne terminera pas son projet de 32 panneaux.

    Il reste chez lui, dans son magnifique appartement. Il peint, fait des mots croisés, lit les journaux ou regarde, effaré, les images du tsunami qui a balayé le Japon et plongé le nord du pays dans l’apocalypse nucléaire. En décembre 2011, il est vrillé de vives douleurs. Lui qui ne plaint jamais déclare avoir mal partout.

    En mars 2012, il est hospitalisé, les médecins lui diagnostiquent un cancer de la prostate. Les derniers tableaux qu’il a réalisés sont des monochromes rouges flamboyants. L’un comprend un logogramme, un autre explore les violets. Un autre encore semble tracer un chemin dans une forêt en feu. Ces tableaux stupéfiants dégagent une force inquiétante, comme si le peintre avait mis en couleur la vision de sa mort imminente. L’un de ces tableaux des derniers jours, rayonnant de gravité, est aujourd’hui accroché dans la salle du Conseil à la mairie, non loin du ludique et fantaisiste « Mobilier urbain ».

  • Une terre, très rouge, largement dominante

    Les médecins qui l’examinent à Font Pré sont optimistes, car il existe des traitements pour ce type de cancer. À l’hôpital, il retrouve le médecin réanimateur Jean-Michel Arnal, qui le suit depuis 2004 et est devenu son ami. Celui-ci l’autorise à peindre dans son lit, même s’il fait des taches sur les draps. Le médecin l’encourage même à reprendre les pinceaux, lui déclarant un jour : « Claude-Henry, fais-moi un tableau ! », probablement pour le pousser à s’occuper.

    Claude-Henry réalise alors un tableau en quatre panneaux très colorés qui s’assemblent sur le modèle de sa sculpture : trois alignés, le dernier en décalage. C’est une installation de grand format, puissante, qui semble représenter la terre et le ciel, la terre, très rouge, étant largement dominante.

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    Jean-Michel Arnal, André Rives et le montage de quatre panneaux, dernière oeuvre de Claude-Henry Pollet.
  • Chose inhabituelle, la composition apparaît un peu confuse, peut-être parce que le peintre alité ne pouvait prendre le recul nécessaire à une bonne perception d’ensemble. Ce tableau est particulièrement touchant : composés de traits colorés dans la lignée des derniers travaux, il innove par son organisation en arc-en-ciel, les traits étant tirés depuis le centre du tableau, probablement parce que le peintre a travaillé en se tenant quasi immobile, posant ses couleurs par un simple balayage du bras.

    Ce grand format est aujourd’hui accroché dans une salle de réunion de l’hôpital Sainte-Musse qui l’a acquis par donation. L’atmosphère très singulière qui s’en dégage, cette impression qu’il va se décrocher du mur pour envelopper le spectateur met certains visiteurs mal à l’aise. « En réunion, rapporte Jean-Michel Arnal, des participants s’installent volontairement dos au tableau pour se concentrer avec plus de facilité. Il est vrai que l’après-midi, le soleil frappe le tableau lui donnant une très forte présence. »

  • Ce jour est le sien

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  • Le 19 juin 2012, Claude-Henry assiste enfin à l’inauguration de la place Saint-Jean et de sa sculpture. C’est un moment important pour lui. Depuis des mois, les gens du quartier, les associations et la municipalité elle-même multiplient les marques d’attention bienveillante. La Maefe, association d’appui aux familles, a imprimé une carte de voeux reprenant l’un des panneaux hommages au peintre. Une autre association a édité des timbres postes à l’effigie d’une de ses huiles. La mairie a placé son portrait dans la plaquette de présentation de la nouvelle place Saint-Jean, abondamment distribuée. Pollet est partout, et ce jour est le sien.

    Il se rend sur les lieux avec l’aide d’André Rives. Il écoute les discours lancés depuis le podium, assiste au concert de la chorale, discute avec ses voisins et avec ses amis qui ont fait le déplacement pour l’accompagner. Il sait sa fin proche, la sculpture qu’il inaugure aujourd’hui, il l’a intitulée « Le Délaissement des ténèbres ». Il décède six semaines plus tard, le 5 août 2012, à l’hôpital Sainte Musse de Toulon.

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  • Ses cendres reposent dans le cimetière de La Seyne-sur-Mer. Sur sa case funéraire figure une reproduction en céramique d’un paysage : « Ollioules avec le peintre Annie Pollet » dont il disait à André Rives qu’il s'agissait de son tableau préféré. Il précisait en plaisantant qu’il souhaitait être enterré avec cette oeuvre. À côté, de la reproduction, apparaît la mention « Claude-Henry Pollet, peintre seynois, venu de Belgique. »

    Quant à « Ollioules avec le peintre Annie Pollet », le tableau est aujourd’hui en possession de la municipalité. Il accueille le public de la mairie, puisqu'il est accroché dans le bureau de réception.


    Crédits photos

    Stèle mandarine : Cyrus Pâques​

    Sans titre, Monochrome jaune, Montage de quatre panneaux, Ollioules : Jean-François Pollet

    Inauguration place saint jean et sculpture (5 images) : Jo Seghi/Secours populaire

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    Ollioules avec le peintre Annie Pollet, huile sur isorel, 80*80 cm, Donation Pollet à la ville de La Seyne-sur-Mer.
Le tableau qui voulait se décrocher du mur, Toulon, 2012