• « Les affaires reprennent. »

    Au printemps 2004, Claude-Henry Pollet rentre de l’hôpital, bien conscient de sa nature d’être mortel. Son retour nécessite un petit travail de maçonnage, car l’office des HLM avait fait murer sa porte d’entrée, détruite par les pompiers. La méthode est expéditive mais efficace contre les cambriolages.

    Claude-Henry reprend goût à la vie. Il sait que chaque jour qui passe est le suivant du reste de sa vie. Il adopte une bonne hygiène de vie : prend ses médicaments avec régularité et cesse de fumer, mettant à profit le sevrage du coma pour adopter une abstinence complète. Lui qui était plutôt pizza surgelée et cassoulet en boite se convertit aux fricassées de légumes. Il est probable que les services sociaux jouent également un rôle dans cette résurrection : une assistante de vie passe à présent deux fois par semaine pour traquer les poussières et veiller à aérer son appartement.

    Il étoffe également sa vie sociale, organise de petites fêtes, des « saucissons party » selon ses propres termes, qui attirent chaque fois une dizaine de personnes. Un jour, après une tournée d’invitations téléphoniques, il lâche satisfait, « Les affaires reprennent ».

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    Le feu au lac, huile sur isorel, 70*130 cm
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    Avec l’équipe de Cyber Seyne.

    Il a de bonnes raisons de prendre goût à la vie. Son cadre de vie s’est amélioré, il est bien entouré et sa peinture attire du monde. Un journaliste de France 3, Pierre-Olivier Belle, lui consacre même un documentaire de 26 minutes intitulé « J'ai rencontré Pollet ». (le film est visible ici : https://www.claudehenrypollet.com/node/4).

    Parmi ses nouveaux visiteurs, Claude-Henry compte trois amateurs d’art venus de Toulouse. Ils lui ont été présentés par Alain François, un sculpteur et designer varois déjà largement reconnu. La bibliothèque de l’Université du Sud-Toulon-Var et la Cité judiciaire de Clermont-Ferrand lui ont par exemple commandé du mobilier sur mesure. Le sculpteur apprécie le travail de Claude-Henry, un sentiment parfaitement réciproque.

    Les trois amis d'Alain François originaires de la cité Rose accrochent bien vite à la peinture du reclus de La Seyne. Deux d’entre eux, Philippe Gausserand et Jean-Louis Sperte, acquièrent quelques tableaux. Ces achats lui assurent une certaine reconnaissance et lui permettent de vivre dans une certaine dignité. Le troisième, Michel Escourbiac, lui propose un troc. L’homme est un important imprimeur, coutumier des livres d’art et triple lauréat du Cadrat d'Or, prix qui couronne chaque année les réalisations techniques d’un imprimeur. Contre des tableaux, Michel Escourbiac propose de réaliser et d'imprimer un catalogue soigné. Claude-Henry accepte volontiers.

    Finalement, le catalogue se présente sous la forme d'un magnifique ouvrage de 208 pages. Claude-Henry se tourne vers deux professionnels pour réaliser les images : Christophe Chabert et Frédéric Joncour, ce dernier déjà auteur des photos du site personnel du peintre (http://clpollet.free.fr/sommaire.php3). Il peut également compter sur les images prises par son copain André Rives.

    Pour la mise en page, il s’adresse à Cyber Seyne, école de devoir et centre de formation de son quartier. Au départ, il s'y était rendu pour se familiariser avec l’informatique, mais il a bien vite sympathisé avec l’équipe. Il parvient donc à la convaincre de l’accompagner dans la réalisation de son catalogue.

  • Habitué des rédactions locales, auxquelles il fournit matière à de nombreux articles, il attire l'attention d'un journaliste de Var Matin le jour même de la livraison de son catalogue. Son entrefilet du 17 février 2008 est titré « Un ouvrage de référence pour Cyber Seyne », illustré d'une image de l’équipe hilare réunie autour du catalogue. Il est probable que les animateurs du centre de formation en informatique ne s’attendaient pas à participer à une telle entreprise.

  • Retrouver mes techniques de travail

    Les trois semaines de coma ont cependant marqué le peintre. Au réveil, il dit avoir perdu la mémoire de ses techniques de travail. Il doit réinventer sa peinture.

    Dès lors, ses travaux vont sensiblement changer. Il compose ses toiles en posant au pinceau des centaines de traits de couleurs. Les sujets de sa peinture changent également. Il se tourne vers sa jeunesse : il peint de mémoire les marais de Bruyelle, le village qui l’a vu grandir, et les lignes de peupliers, typiques des campagnes hennuyères.

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    Marais avec reflet jaune, huile sur isorel,
    94,5*78,5 cm
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    Kobe, huile sur bois, 68*127 cm

    Il se lance en parallèle dans la rédaction de ses mémoires, couche par écrit la fuite éperdue de sa famille en mai 40, met de l’ordre dans ses photos de famille. Il renoue également avec une cousine, Annie, qui lui raconte l’histoire de ses ancêtres. Avec Annie, elle-même une peintre, il réalise une série de paysages de la région.

    Il reprend les abstraits sur lesquels il transpose sa technique des traits. Il s’intéresse au bleu de Prusse et en compose de grands tableaux sur des planches de bois.

  • Sa santé reste fragile et il a perdu beaucoup de sa mobilité. Certains de ses amis passent alors du « simple » statut d’amateur d’art à celui d'aide-soignant et d'assistant de vie.

    Pour monter ses expositions, trimballer ses tableaux, faire ses courses, il se fait en particulier aider par un voisin, Didier, un kabyle algérien. Celui-ci l’assistera jusqu’à la fin de ses jours.


    Crédits photos

    Blé tour bleu, Le feu au lac, Marais avec reflet jaune, Kobe : Cyrus Pâques​

    Avec l’équipe de Cyber Seyne : D.R.

Le premier jour du reste de sa vie, La Seyne-sur-Mer, après 2004