• « Un peintre qui sent le soufre, exposé dans une caserne de pompier. »

    Claude-Henry Pollet dessine beaucoup. Il ne cesse plus de pratiquer l'exercice depuis le Grand Nord, où il a réalisé ses premiers croquis de presse. Il a d’ailleurs une vraie « patte », avec un graphisme au charme très personnel. Il touche à tout : il signe des dessins d’architecte conformes aux canons de sa formation, s’amuse à créer des univers fantaisistes et un bestiaire saisissant, esquisse des bandes dessinées ou s’essaye à la caricature, souvent aux dépens du Front National.

    C’est un homme de son temps qui s’intéresse à la marche du monde. Il lit Libération, dévore Le Quotidien du Jeudi, lancé par Jean-François Khan, plus tard fondateur de Marianne, ou s'abonne au Canard enchaîné, dont il admire les caricaturistes.

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    Caricatures, dessin sur papier
  • On s’attache vite au crayonné très travaillé de Claude-Henry Pollet et à ses représentations humaines ludiques. Il s'agit de personnages aux bras très minces, identifiés par un unique accessoire, comme une cravate, une médaille ou un chapeau. Les gentils ont de grands yeux et les méchants de grosses lunettes. À sa façon, il respecte les codes de la caricature. Parfois, il signe Babbelutte.

    Il récupère tous supports abandonnés et s'amuse de ses trouvailles. Ainsi, il réalise une série de caricatures rassemblées dans un classeur dont chaque page est numérotée et estampillée à l’encre bleue du sceau du tribunal de Commerce de Marseille.

    Par la suite, ses dessins deviendront de véritables exutoires, des exorcismes contre le mauvais sort. Il met en scène et en bulles les aléas de sa propre vie, comme sa précarité ou son difficile accès au logement. Il parvient parfois à glisser l’une ou l’autre caricature dans les fanzines du Var.

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    Bestiaire, portrait et caricature dessinée dans un cahier du tribunal de Commerce de Marseille, dessin sur papier
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    Arbre, aquarelle

    Le temps des aquarelles

    En Bourgogne, il tombe amoureux des paysages ondoyants des collines et bocages. Il profite de ses temps libres forcés pour sillonner « la région avec sa coccinelle et ses pinceaux », comme l'écrit un journaliste. Il réalise de nombreuses aquarelles des paysages du Charolais et du Brionnais, pratiquant ainsi une technique à laquelle il s’est familiarisé un an auparavant, durant son séjour à Nantes.

  • À la fin de l’été 1984, il aligne une production suffisante pour exposer dans l’ancien couvent des Clarisses de Charolles, somptueuse maison médiévale transformée en galerie d’art par l’office de tourisme. L’exposition attire les journalistes, qui notent sans sourciller la reconversion de l’ancien expert en développement local. L’un d’eux s’enthousiasme de ses aquarelles qui rendent fidèlement « le relief des paysages par un savant dégradé. Le violet des collines est tout à fait dans la note, tout comme les prairies grasses à souhait. » Durant la semaine que dure l’exposition, il passe ses journées à la galerie, accueillant les visiteurs, les entretenant sur son travail. « Toute la difficulté, explique-t-il à un journaliste, tient dans le fait qu’on n’arrive pas à peindre la réalité. Or, c’est la fidélité par rapport à l’objet que je cherche. Et dans le Charolais, avec la température de l’air et le vert partout, la tâche est encore plus difficile. »

    Dans la foulée, il annonce le lancement de stages d’aquarelle animés par ses soins. Il évoque aussi sa collaboration à un livre consacré à Paray-le-Monial, destiné à paraître l'année suivante, et ses projets de coopérative d’artistes. Il crée d'ailleurs Charolie Chérie, une association de défense et de promotion de l’identité bourguignonne. L'initiative fera malheureusement long feu, malgré un long article explicatif dans Le Progrès du 26 octobre 1984.

    Il accroche également ses aquarelles à l’Auberge du Pont Guichard, un restaurant chic à l’entrée de Paray. Incroyable coup du sort, la nuit du 4 septembre, la foudre frappe le toit et l’établissement s'embrase ! Après la destruction de la Fonderie nationale des bronzes en 1967 à Bruxelles, c'est la deuxième fois qu'un incendie se met au travers de la route de Claude-Henry Pollet. Les pompiers mettront toute la nuit à en venir à bout. Un soldat du feu a heureusement la présence d'esprit de sauver les aquarelles détrempées en les mettant à sécher dans de la paille.

    En remerciements, le peintre offre une œuvre à la brigade, une vue de la plage Saint-Michel à Pornic (Loire-Atlantique). Un journaliste en verve écrit après avoir assisté à la remise de l’aquarelle : « Claude Pollet, le peintre qui sent le soufre, exposé dans une caserne des sapeurs-pompiers, après avoir essuyé un incendie. Logique non ! »


    Crédits photos

    Grandes herbes : Cyrus Pâques​

    Arbre : Jean-François Pollet

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    Grandes herbes, huile sur isorel, 100 * 110 cm
Des dessins comme des exorcismes, Bourgogne 1984